Posture des Églises au Québec dans le processus d’intégration des demandeurs d’asile haïtiens 2017-2018

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2.2.- Les Églises et établissement domestique

La législation sur les loyers autorise les locateurs de vérifier le niveau de crédibilité de tout locataire à honorer un contrat de bail, or les nouveaux arrivants ne sauraient en avoir, compte tenu de leur situation. Il a fallu l’intervention des églises pour pallier cet inconvénient. Elles ne se contentent pas seulement d’aider les demandeurs d’asile à avoir un logement, elles ont aussi pris le soin de leur chercher des appareils électroménagers, des meubles, des ustensiles de cuisine etc. Ce fait est relaté dans les discours des leaders religieux et ceux des demandeurs d’asile. Nous les présentons séparément. Les propos suivants sont, tous, des leaders religieux qui ont accueilli et prêté leur service aux demandeurs d’asile allant de 50 à 150 à leurs églises respectives. Ces leaders sont de confession baptiste, pentecôtiste. Pourtant, ils n’ont reçu que des gens de leurs confessions. Leur travail s’étend à tous et à toutes. Ils nous disent avoir accompagné les demandeurs personnellement quand ils doivent chercher un logement pour deux raisons majeures : se porter garant de leur crédit et éviter les abus de certains propriétaires à leur égard.

[…] Pour le logement, je crois qu’en 2017 ce sont plus de 150 personnes qu’on a aidé à  trouver de  logement.  Présentement,  ils  sont  encore  dans  leur  logement  la plupart d’entre eux, […] Depuis juin 2017, je travaille jusqu’à midi, à cette heure je rencontre les gens, on était plusieurs. On cherche sur le terrain avec eux, on ne les envoie pas, on cherche avec eux […] certains propriétaires leur demandent de vérifier leur crédit, j’ai dû trouver des endroits qui n’exigent pas ça. (Propos d’un pasteur recueillis à Montréal 2018-01-13)

[…] On savait que les propriétaires faisaient la surenchère avec les prix, ils montaient les prix visiblement devant tout le monde. Il fallait un accompagnement non seulement pour qu’ils puissent choisir des maisons parmi les membres qui en avaient  de  disponible,  mais  aussi  pour  éviter  que  ces  maisons  soient  surpayées. […] C’est un peu dans cette démarche que l’église s’est inscrite avec des demandeurs d’asile. (Propos d’un pasteur recueillis à Montréal 2018-11-30)

[…] Quand ils ont trouvé un logement on les visite pour voir s’ils sont bien logés. Au niveau des baux, on est là pour les aider à remplir leurs baux et ensuite quand ils ont fait de mauvaises rencontres avec de mauvais propriétaires, et moi-même je les aide aussi à rencontrer ces propriétaires et défendre leur droit. Je l’ai fait tout le temps, pas moi seul, d’autres frères de l’église ont fait ça. (Propos d’un pasteur recueillis à Montréal 2019-01-07)

Si  dans  ces  discours  les  leaders  religieux  protègent  les  droits  des  locataires  auprès  des locateurs et en même temps les facilitent à trouver des logements dont les locateurs ne sont pas trop exigeants; les demandeurs d’asile, eux, insistent sur le rôle de l’église dans leur  déménagement  et  aménagement.  En  effet,  les  discours  suivants  décrivent  le  degré d’implication des leaders religieux dans leur établissement.

Je peux dire que l’Église oh! Elle m’a beaucoup aidé dans la recherche de logement  et  au  niveau  du  déménagement, l’Église  m’a  aidé à  ce  stade  […]  Oh! L’église me donnait ces chaises-là, ces sofas, le salon en général vient de l’église. […]Moi,  personnellement,  je  ne  bénéficiais  les  aides  alimentaires  de  l’église, mais  d’habitude  elle  fait  ces  distributions-là  à  d’autres  personnes  […]  (Propos d’un demandeur d’asile recueillis à Montréal 2019-02-21)

Euh, l’Église […] a joué un rôle assez important pour nous, […] Madame Pasteur, elle était en charge de trouver des meubles […]: des lits, tables et tout pour nous. Elle s’est organisée sur internet, elle a passé le message, des personnes qui voulaient faire des dons, comme ça. Elle a loué un camion pour aller les chercher : les meubles, et tout. Et, passer les donner à chaque personne; elle prenait le nom, l’endroit,  l’adresse  plutôt,  le  nombre  de  personnes  qu’il  y  a,  ce  que  vous  avez besoin : une télé, un radio, un four, un frigidaire, quelque chose comme  ça, des meubles  de  maison  et  tout.  […]  On  était  toujours  là  avec  elle  pour  l’aider  à distribuer les choses […] Voilà, c’était vraiment bien […]. (Propos d’un demandeur d’asile recueillis à Montréal 2019-01-19)

Les églises et établissements domestiques prennent l’accompagnement au cas par cas des demandeurs  d’asile,  pour  la  plupart,  aux  fins  d’avoir  un  contrat  de bail  sans  avoir  à fournir une preuve de crédit, et les besoins en installation nécessaire dans leur logement respectif. Il  est  donc  un  aspect  de  l’intégration  sociale  des  demandeurs  d’asile  dans  la  société québécoise, car sans leur intervention, l’accès au logement et leur installation auraient été compliqués. Les églises ne s’arrêtent pas là, car dans d’autres circonstances elles ont été plus décisives, par exemple le service de garde.

2.3.- Les Églises et service de garde

L’accès au service de garde des enfants des demandeurs d’asile est pratiquement inexistant, sinon que quelques organismes communautaires qui leur offrent 2 ou 3 heures de garde. Il est donc impossible pour un demandeur d’asile seul avec ses enfants d’avoir un emploi.

Selon  certains  discours  de  leaders  religieux  et  de  demandeurs  d’asile,  certaines  églises ont trouvé une formule pour aider cette catégorie de demandeurs d’asile, soit en les aidant à  pouvoir  travailler,  soit  en  les  aidant  à  apprendre  un  métier  aux  fins  de  travailler  à l’avenir. Les discours suivants à la fois des leaders religieux et des demandeurs d’asile illustrent bien ce fait.

Il y avait une sœur qui travaillait, elle ne savait pas où laisser ses enfants, elle ne pouvait pas trouver de garderie, vous savez que c’est difficile ici, il faut être sur une liste d’attente, c’est compliqué, dimanche on se demandait qu’est-ce qu’on va faire? Tout le monde a donné des idées, on a pu trouver une solution. Elle allait travailler très tôt: 4 heures du matin, et en plus c’est une personne qui vient pour la première fois, alors j’ai trouvé quelqu’un qui n’habite pas loin, c’est un peu compliqué,  c’est  à  4  heures  du  matin,  mais  c’est  une  situation  temporaire.  Elle amène  les  enfants  à  cette  sœur,  qui  les  emmène  à  l’école;  elle  a  terminé  de travailler assez tôt, elle allait les récupérer après. C’est un peu compliqué pour la personne, c’est un sacrifice, mais je leur ai expliqués c’est ce que Jésus ferait, elle s’embarque. (Propos d’un pasteur recueillis à Montréal 2018-01-13)

À mon arrivée, moi et mes enfants de deux ans […], je suis seule, il fallait que je cherche  du  travail.  Encore,  je  voulais  prendre  une  formation  en  préposée  aux bénéficiaires, il m’a prêté de l’argent pour payer, il est venu chaque matin chercher les filles, parfois il ne sait même pas où elles vont les mettre, et lui, il va au travail. Il a appelé des sœurs de l’Église en les suppliant de les prendre pour lui.  Il  arrive  que  les  sœurs  soient  disponibles,  elles  les  prennent,  quelques  fois non, alors il reste à l’Église avec les filles. (Propos d’un demandeur d’asile recueillis à Montréal 2018-12-02)

Les  églises  et  service  de  garde  renvoient  à  la  prise  en  charge  des  enfants  de  familles monoparentales pendant que leurs parents vont travailler et vont à l’école professionnelle, à cause de l’inexistence de structure sociale formelle et permanente pour cette catégorie de personne au Québec.

L’église supplée à cette absence dans le contexte migratoire de 2017 et 2018. L’Église ne se donne pas que cette mission ; il a été donné à voir que les églises s’impliquent aussi à la socialisation à la québécoise.


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