Posture des Églises au Québec dans le processus d’intégration des demandeurs d’asile haïtiens 2017-2018

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2.4.- Les Églises et socialisation à la québécoise

Ici,  nous  nous  contentons  de  ne  relater  que  deux  discours  de  deux  demandeurs  d’asile pour signifier le rôle  des  églises  dans  le  processus  de  socialisation  à  la  québécoise des demandeurs d’asile. Ces derniers nous informent que les leaders religieux leur ont inculqué  les  pratiques  sociales  et  les  lois  du  pays  avant,  dans  et  après  les  cultes.  Ils avouent  aussi  que  c’était  nécessaire  d’avoir  des  échanges  entre  les  gens  ayant  vécu  ici pour pouvoir intégrer la culture québécoise, et les églises n’en ont pas manqué de jouer ce rôle. Voici les mots qui en témoignent :

[…]  Beaucoup,  presque  là  on  nous  enseigne,  avant  la  prêche  ou  pendant  les prêches, les pasteurs, les prédicateurs nous disent, nous ont inculqué les pratiques du pays, ce qui est bon à faire, ce qui n’est pas bon, donc les lois de ce pays, ce que nous devons respecter. Donc, d’autres personnes ne peuvent vous enseigner çà.  Des  choses  à  éviter.    (Propos  d’un  demandeur  d’asile  recueillis  à  Montréal 2018-11-20)

[…] Oui, des amis, parce que je viens dans un pays dont la coutume est étrangère à celle que je vivais autrefois, pour m’établir je devais savoir comment vont les choses, parce que la façon (sic) qu’on conduit ici, même en voiture, c’est différent par rapport à Haïti. Il y a pas mal de règles, pas mal de panneaux à respecter, ce qui  n’est  pas  le  cas  chez  nous,  donc  ce  sont  les  gens  d’ici  qui  peuvent  nous conduire, nous dire bon, ça c’est faisable, ça ne se fait pas. […] Oui, en arrivant à l’église on se sent confiant parce qu’on a presque tous vécu la même chose, ces gens de choses-là pour l’éviter quelqu’un qui l’a vécu avant nous, bien que tous les problèmes ne soient pas résolus de la même façon, mais un conseil peut vous aider. […] (Propos recueillis d’un demandeur d’asile à Montréal 2018-11-20)

«  Les  églises  et  socialisation  à  la  québécoise  »  est  l’ensemble  d’activités  sociales  des églises  visant  à  faire  connaître  les  us  et  coutumes  des  québécois.es  des  demandeurs d’asile. Nous  devons  admettre  que  celle-ci  prenne  davantage  de  mœurs  et  de  coutumes,  c’est pourquoi  nous  avons  su  décrire  autant  ses  dimensions.  Cette  dernière  représente  donc l’étape la plus décisive dans l’intégration des gens. Peut-on dire à partir de cela que les églises  se  sont  substituées  aux  organismes  communautaires  et/ou  à  la  structure  sociale officielle.  La  réponse  est  non,  étant  donné  l’interrelation  des  églises  dans  ce  contexte avec les autres structures, notamment celle des organismes communautaires.

2.5.- La Communauté ecclésiastique et l’organisme communautaire

Il  semble  qu’il  y  ait  quelques  critiques  qui  pensent  que  les  églises  se  substituent  aux organismes communautaires; il n’en est rien. Il n’en est rien parce que les leaders religieux n’ont non seulement pas cette prétention, mais encore ils sollicitent les services des  organismes  communautaires  aux  besoins.  Ils  les  ont  plutôt  considérés  comme  leur complément. Autant qu’ils considèrent l’immensité des travaux de ceux-ci dans ce contexte, autant qu’ils se donnent pour responsabilité de compléter leur manquement. En effet, selon eux, les organismes communautaires ont donné un encadrement général, alors qu’ils donnent un encadrement à la fois général et personnalisé. Ils pensent qu’on ne peut demander, par exemple,  à  une  personne  qui  ne  parle  pas  français  de  se  rendre  dans  un centre  hospitalier seule  pour avoir des  soins  médicaux,  donc  il  va  falloir une  aide  plus directe. C’est ainsi qu’ils se sont révélés dans la structure sociale québécoise. Les propos suivants,  venant  à  la  fois  des  leaders  religieux  et  d’un  demandeur  d’asile,  décrivent  ce rôle structurant de l’église dans le contexte migratoire.

[…]Les organismes communautaires font un grand travail avec eux. J’ai un oncle qui a un organisme qui aide les gens du côté de Côtes des neiges, à cause que je n’ai pas assez de temps pour faire plein de choses je me réfère à lui pour m’aider dans  certaines  situations.  Cependant,  comment  je  vois  notre  implication,  nous autres,  nous  voulons  être  plus  personnalisés  parce  que  c’est  sûr  que  si  j’envoie quelqu’un  à  un organisme,  ça  va  être  vraiment  différent.  Par  exemple,  j’ai  une personne  qui  n’écrit  pas  et  qui  ne  lit  pas,  elle  a des  rendez-vous  médicaux si  je l’envoie,  c’est  sûr  que  ça  va  être  un  peu  difficile  pour  elle.  La  plupart  des  cas, c’est moi qui dois parler au médecin pour expliquer sa situation, sinon elle m’appelle  pour  me  dire  voilà  qu’est-ce  qu’on  lui  dit  c’est  que  la  relation  qu’on veut avoir avec les gens c’est que l’organisme communautaire va offrir un service plus  large,  mais  nous  autres  nous  personnalisons  le  service.  Je  m’assure  que  si j’aide six (6) personnes, ces personnes reçoivent l’assistance exacte dont elles ont besoin. C’est qu’il y a des choses qu’un organisme communautaire ne va pas faire Il  y  a du monde qui n’est pas habitué  avec  notre système ici. […] Peut être vous lui donnez de l’argent, parfois la personne  n’a pas besoin de l’argent ; il a besoin de  ton temps  vraiment pour  vous expliquer  quelque  chose.  Parfois la personne  a  besoin  de  moi  juste  pour  m’expliquer  des  choses  personnelles  pour lesquelles je vais les devoir donner des conseils ; alors, envoyez cette personne à un organisme communautaire c’est sûr qu’elle ne va pas avoir satisfaction. Toutefois, je ne dis pas que ces organismes ne font pas un bon travail, ils font un travail généralisé, ils n’ont pas de choix parce qu’ils s’étaient un peu dépassés par les événements à cause du flux d’immigrations. (Propos d’un pasteur recueillis à Montréal 2018-01-13)

[…] Bon, je peux dire oui, il y a des sœurs qui m’ont envoyé à la Maison d’Haïti, La  Pelle  Retrouvée et  un  centre  africain.  Maison  d’Haïti,  on  fait  beaucoup  de chose là-bas, on m’a donné de la nourriture, on  me donne des  couches pour les enfants et on fait des formations. Il y a aussi une garderie où l’on garde les enfants si l’on doit être absent pour deux ou trois heures de temps. La Pelle Retrouvée, on donne  des  choses  à  manger,  on  fait  des  formations,  juste  pour  savoir  comment s’intégrer  dans  le  pays.  Et  il  y  a  aussi  un  centre  d’intégration  sur  St-Michel,  ça c’est  le  pasteur  qui  nous  a  donné  l’information  afin  de  faire  la  formation  pour l’intégration. (Propos d’un demandeur d’asile recueillis à Montréal 2018-12-02)

Communauté ecclésiastique  et  organisme  communautaire,  enfin,  est  cette  rencontre  des deux  communautés  dans  leurs  pratiques  sociales  et  légales  d’intégration  inclusive  des demandeurs d’asile.

Cette présentation factuelle de la contribution des églises dans l’intégration de ces derniers dans la société québécoise serait insuffisante si l’on ne tente pas de donner une signification  minimale  à  ce  phénomène  social,  notamment  aux  pratiques  sociales  des églises.


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