2.4.- Les Églises et socialisation à la québécoise
Ici, nous nous contentons de ne relater que deux discours de deux demandeurs d’asile pour signifier le rôle des églises dans le processus de socialisation à la québécoise des demandeurs d’asile. Ces derniers nous informent que les leaders religieux leur ont inculqué les pratiques sociales et les lois du pays avant, dans et après les cultes. Ils avouent aussi que c’était nécessaire d’avoir des échanges entre les gens ayant vécu ici pour pouvoir intégrer la culture québécoise, et les églises n’en ont pas manqué de jouer ce rôle. Voici les mots qui en témoignent :
[…] Beaucoup, presque là on nous enseigne, avant la prêche ou pendant les prêches, les pasteurs, les prédicateurs nous disent, nous ont inculqué les pratiques du pays, ce qui est bon à faire, ce qui n’est pas bon, donc les lois de ce pays, ce que nous devons respecter. Donc, d’autres personnes ne peuvent vous enseigner çà. Des choses à éviter. (Propos d’un demandeur d’asile recueillis à Montréal 2018-11-20)
[…] Oui, des amis, parce que je viens dans un pays dont la coutume est étrangère à celle que je vivais autrefois, pour m’établir je devais savoir comment vont les choses, parce que la façon (sic) qu’on conduit ici, même en voiture, c’est différent par rapport à Haïti. Il y a pas mal de règles, pas mal de panneaux à respecter, ce qui n’est pas le cas chez nous, donc ce sont les gens d’ici qui peuvent nous conduire, nous dire bon, ça c’est faisable, ça ne se fait pas. […] Oui, en arrivant à l’église on se sent confiant parce qu’on a presque tous vécu la même chose, ces gens de choses-là pour l’éviter quelqu’un qui l’a vécu avant nous, bien que tous les problèmes ne soient pas résolus de la même façon, mais un conseil peut vous aider. […] (Propos recueillis d’un demandeur d’asile à Montréal 2018-11-20)
« Les églises et socialisation à la québécoise » est l’ensemble d’activités sociales des églises visant à faire connaître les us et coutumes des québécois.es des demandeurs d’asile. Nous devons admettre que celle-ci prenne davantage de mœurs et de coutumes, c’est pourquoi nous avons su décrire autant ses dimensions. Cette dernière représente donc l’étape la plus décisive dans l’intégration des gens. Peut-on dire à partir de cela que les églises se sont substituées aux organismes communautaires et/ou à la structure sociale officielle. La réponse est non, étant donné l’interrelation des églises dans ce contexte avec les autres structures, notamment celle des organismes communautaires.
2.5.- La Communauté ecclésiastique et l’organisme communautaire
Il semble qu’il y ait quelques critiques qui pensent que les églises se substituent aux organismes communautaires; il n’en est rien. Il n’en est rien parce que les leaders religieux n’ont non seulement pas cette prétention, mais encore ils sollicitent les services des organismes communautaires aux besoins. Ils les ont plutôt considérés comme leur complément. Autant qu’ils considèrent l’immensité des travaux de ceux-ci dans ce contexte, autant qu’ils se donnent pour responsabilité de compléter leur manquement. En effet, selon eux, les organismes communautaires ont donné un encadrement général, alors qu’ils donnent un encadrement à la fois général et personnalisé. Ils pensent qu’on ne peut demander, par exemple, à une personne qui ne parle pas français de se rendre dans un centre hospitalier seule pour avoir des soins médicaux, donc il va falloir une aide plus directe. C’est ainsi qu’ils se sont révélés dans la structure sociale québécoise. Les propos suivants, venant à la fois des leaders religieux et d’un demandeur d’asile, décrivent ce rôle structurant de l’église dans le contexte migratoire.
[…]Les organismes communautaires font un grand travail avec eux. J’ai un oncle qui a un organisme qui aide les gens du côté de Côtes des neiges, à cause que je n’ai pas assez de temps pour faire plein de choses je me réfère à lui pour m’aider dans certaines situations. Cependant, comment je vois notre implication, nous autres, nous voulons être plus personnalisés parce que c’est sûr que si j’envoie quelqu’un à un organisme, ça va être vraiment différent. Par exemple, j’ai une personne qui n’écrit pas et qui ne lit pas, elle a des rendez-vous médicaux si je l’envoie, c’est sûr que ça va être un peu difficile pour elle. La plupart des cas, c’est moi qui dois parler au médecin pour expliquer sa situation, sinon elle m’appelle pour me dire voilà qu’est-ce qu’on lui dit c’est que la relation qu’on veut avoir avec les gens c’est que l’organisme communautaire va offrir un service plus large, mais nous autres nous personnalisons le service. Je m’assure que si j’aide six (6) personnes, ces personnes reçoivent l’assistance exacte dont elles ont besoin. C’est qu’il y a des choses qu’un organisme communautaire ne va pas faire Il y a du monde qui n’est pas habitué avec notre système ici. […] Peut être vous lui donnez de l’argent, parfois la personne n’a pas besoin de l’argent ; il a besoin de ton temps vraiment pour vous expliquer quelque chose. Parfois la personne a besoin de moi juste pour m’expliquer des choses personnelles pour lesquelles je vais les devoir donner des conseils ; alors, envoyez cette personne à un organisme communautaire c’est sûr qu’elle ne va pas avoir satisfaction. Toutefois, je ne dis pas que ces organismes ne font pas un bon travail, ils font un travail généralisé, ils n’ont pas de choix parce qu’ils s’étaient un peu dépassés par les événements à cause du flux d’immigrations. (Propos d’un pasteur recueillis à Montréal 2018-01-13)
[…] Bon, je peux dire oui, il y a des sœurs qui m’ont envoyé à la Maison d’Haïti, La Pelle Retrouvée et un centre africain. Maison d’Haïti, on fait beaucoup de chose là-bas, on m’a donné de la nourriture, on me donne des couches pour les enfants et on fait des formations. Il y a aussi une garderie où l’on garde les enfants si l’on doit être absent pour deux ou trois heures de temps. La Pelle Retrouvée, on donne des choses à manger, on fait des formations, juste pour savoir comment s’intégrer dans le pays. Et il y a aussi un centre d’intégration sur St-Michel, ça c’est le pasteur qui nous a donné l’information afin de faire la formation pour l’intégration. (Propos d’un demandeur d’asile recueillis à Montréal 2018-12-02)
Communauté ecclésiastique et organisme communautaire, enfin, est cette rencontre des deux communautés dans leurs pratiques sociales et légales d’intégration inclusive des demandeurs d’asile.
Cette présentation factuelle de la contribution des églises dans l’intégration de ces derniers dans la société québécoise serait insuffisante si l’on ne tente pas de donner une signification minimale à ce phénomène social, notamment aux pratiques sociales des églises.